Les femmes représentent 53% du notariat, contre 14% il y a 20 ans. Dans une profession encore marquée par des codes très masculins, elles se sont regroupées en réseau, à l’initiative de la notaire parisienne Barbara Thomas-David.
Notaires au féminin. com, c’est le nom du réseau de femmes notaires qui a été lancé, le 9 mars, lors d’un événement hybride organisé au siège du Conseil Supérieur du Notariat et sur Internet. Une première dans cette profession à l’image encore très masculine, mais qui évolue à grande vitesse. « Quand j’ai prêté serment, en l’an 2000, la profession comptait 14% de femmes, a témoigné Barbara Thomas-David, initiatrice du projet et présidente du réseau. Elles sont aujourd’hui 53% ! » Et pourtant, on ne les retrouve pas toujours « dans les grands offices notariaux », comme l’a fait remarquer Elisabeth Moreno, ministre déléguée à l’Egalité entre les femmes et les hommes, à la diversité et à l’égalité des chances, dans son intervention vidéo.
Membre de longue date du Club Génération Femmes d’Influence, Barbara Thomas-David a eu envie de créer une structure qui soit à la fois un laboratoire d’idées et un lieu de partage d’expériences. Majoritaires au sein des 16.000 notaires de France – qui emploient 60.000 salariés – les femmes de la profession sont régulièrement confrontées aux difficultés de leurs clientes. « Les femmes sont trop souvent lésées dans leur accès au patrimoines, c’est un enjeu de société, a rappelé Elisabeth Moreno. Il est nécessaire de déconstruire les stéréotypes qui sont des machines à fabriquer des inégalités. »
Des femmes qui modernisent l’image du notariat
Les notaires ont, de ce point de vue, une responsabilité importante puisqu’ils et elles interviennent souvent dans des situations où les droits des femmes sont en jeu : 50% de leurs interventions concernent des transactions immobilières, et 32% des actes familiaux tels que successions, donations, divorces. Il y a donc urgence à mettre en place « un plus grand accès au droit, ainsi qu’un meilleur accès des femmes au logement », estime Barbara Thomas-David.
Autre objectif du tout nouveau réseau : « rassembler les femmes qui veulent développer une profession dont l’image reste un peu poussiéreuse », a souligné la présidente de Notaires au féminin. com. Moderniser le notariat en le passant au prisme féminin ? « J’ai immédiatement été séduit », a assuré David Ambrosiano, le président du Conseil Supérieur du Notariat. Une démarche dont l’efficacité s’est vérifiée dans d’autres professions, comme l’ont expliqué lors d’une table ronde quatre présidentes d’organisations professionnelles, Agnès Bricard (experts-comptables), Alexandra François-Cuxac (promoteurs immobiliers), Ghislaine Kapandji (commissaires-priseurs), et Christiane Lambert (FNSEA).
« Il faut la santé, la niaque, le caractère », a martelé cette dernière, rappelant que si 25% des agriculteurs sont des agricultrices, elles ne sont que 15% dans les instances professionnelles. « Nous avons imposé un tiers de femmes dans les chambres d’agriculture », a-t-elle expliqué. « J’ai le sentiment d’avoir été utile et d’avoir revalorisé une profession un peu décriée ». Même constat pour les autres intervenantes. « Au moment de la loi Copé-Zimmermann, j’ai créé les Femmes expert-comptable administratrices, a souligné Agnès Bricard. Puis j’ai fondé la Fédération des Femmes Administrateurs. »
Croire à « l’entraide intergénérationnelle »
« Il est très important de créer des réseaux d’entraide, a souligné Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du Logement, qui intervenait elle aussi en vidéo. La parité est en cours dans cette profession notariale au départ très masculine ». Dialoguant avec par Catherine Guillouard, présidente de la RATP – qui évoquait le souvenir d’une cravate offerte lors d’un séminaire de direction quand elle travaillait à Air France ! – Sophie Boissard, directrice générale du groupe Korian (maisons de retraite) a dressé le même constat : « Le fait que les femmes ne soient pas arrivées au pouvoir plus tôt, c’est dû au manque de réseau, en interne comme à l’extérieur ».
Première présidente de la Cour d’appel de Poitiers – poste où les femmes restent peu nombreuses malgré une magistrature féminisée à 67% – Gwenola Joly-Coz a quant à elle évoqué un « couloir tapissé de portraits d’hommes », ceux de ses prédécesseurs, qu’elle a découvert à son arrivée. Fondatrice, en 2014, de l’association Femmes de justice, cette magistrate engagée dans la lutte contre les violences faites aux femmes y organise des programmes de mentorat et des ateliers pratiques, par exemple pour se préparer à un passage devant le Conseil supérieur de la magistrature. Effarée par les inégalités qui perdurent, elle garde son optimisme : « Je crois à l’entraide intergénérationnelle ». Le message est bien passé auprès des femmes présentes, à bonne distance les unes des autres, dans l’amphithéâtre du Conseil Supérieur du Notariat.